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Est-ce une langue déjà faite, Messieurs ? n’est-ce pas un essai informe de création ? Plusieurs verbes, plusieurs mots construits ensemble, sont encore tout latins donat, jurat, conservat, de suo, meos, in damno sit. Il n’y a plus de désinences variables dans les noms ; et, il n’y a pas encore d’articles. Cependant la forme des langues modernes perce déjà tout entière dans ce roman ; la plupart des mots sont provençaux, espagnols, avec quelques aspirations un peu rudes du Nord. Remarquez-vous aussi cette juxtaposition des mots, pro Deo amur, employée pour marquer le rapport, à la place des désinences et des articles ? Même chose dans notre langue Fête-Dieu, Hôtel-Dieu, sont de vieilles locutions encore usitées, qui portent témoignage de leur origine, et qui se trouvent dans l’anglais, avec le même procédé d’inversion qu’offre l’idiome roman.

Cette langue ne tarda pas à se polir. Elle eut alors des règles fort ingénieuses ; il en est une que je me hâte d’indiquer, parce que, longtemps méconnue de nos érudits, elle a été mise en lumière par la sagacité de M. Raynouard. Cette règle consistait à mettre l’s au singulier dans les cas directs, à l’ôter dans les cas obliques ; à la supprimer également au pluriel dans les cas