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directs, et à la replacer dans les cas obliques. Ce procédé fut-il systématique ou accidentel ? Vous en jugerez. Des gens expéditifs comme les barbares devaient, au lieu de murus, dire murs : aux autres cas du singulier, muri, muro, ils supprimaient seulement la voyelle sans rétablir cette s, qu’ils ne trouvaient pas. Même chose au nominatif pluriel muri ; mais dans les cas obliques du pluriel, muris, muros, cette s, reparaissant, était conservée. Ainsi une lettre finale, tantôt supprimée, tantôt remise, donnait un moyen facile de remplacer les désinences latines et de varier les cas. N’en faut-il pas conclure qu’il y a dans l’esprit humain une industrie native qui, malgré l’ignorance d’une époque trouve des procédés ingénieux et faciles pour exprimer tous les résultats de la pensée, et parvient à égaler, dans un idiome fort imparfait, les plus grandes finesses des idiomes les plus savants.

Après les serments de 842, le plus ancien monument un peu étendu de la langue romane, c’est un poëme sur Boëce, publié par l’active érudition de M. Raynouard.

Le souvenir de Boëce, philosophe et poëte dans un siècle déjà presque barbare, ministre et victime de Théodoric, s’était conservé non-seu-