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Page:Villetard de Laguérie - Contes d'Extrême-Orient, 1903.pdf/100

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du Palais avait été diminuée, puis désarmée et réarmée de fusils hors de service, sans que la reine eût pu s’y opposer. Pendant qu’elle cherchait une riposte à cette botte du premier ministre, instrument des Japonais, une révolte militaire éclata.

Un corps de mille Coréens, armés et instruits à l’européenne par des sous-officiers japonais, se mutina contre le colonel Hong, fidèle soldat qui avait sauvé la reine en 1882, et qu’elle avait fait nommer à ce commandement, pensant transformer ainsi en défenseurs une soldatesque visiblement organisée pour une tout autre besogne. Ces Kounrentaï enfermèrent la police de la capitale dans ses postes et, sans attaquer encore le Palais, le bloquèrent à distance étroitemént.

Rasant la terre, comme les hirondelles avant les orages, isolément ou par petits groupes, ils venaient en observer les entrées et essayaient d’intercepter les agents qui accouraient avertir la reine.

Elle s’était réfugiée dans une grande construction à l’européenne, toute proche d’une porte du Palais donnant issue sur la vaste esplanade où les futurs mandarins subissent leurs examens, et sur l’immense sapinière du mont Poukhan, dont les bonzeries avaient plusieurs fois recueilli et ramené en triomphe des rois chassés par une émeute. Elle écouta tous les rapports et conclut trop aisément, de l’apparente hésitation des Kounrentaï, qu’ils agissaient isolément et qu’une plainte du roi au représentant du Japon, le lendemain, réprimerait cette équipée.

Néanmoins, les supplications de la plus intime de ses favorites, d’aller près du roi, pour l’informer aussitôt du péril et trouver près de lui un asile absolument inviolable, les suggestions clairvoyantes que lui inspirait la terreur, sur la duplicité du vicomte Mioura Goro, avaient laissé une ombre sur l’âme de la princesse.