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Page:Villetard de Laguérie - Contes d'Extrême-Orient, 1903.pdf/95

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les hommes creuser des silos pour y resserrer des monceaux de choux ; des femmes emplir de navets et de saumure de grandes jarres vernissées ; broyer et façonner en tourteaux des pois et des haricots ; emballer les morceaux de résine recueillis de la saignée des camphriers. D’autres salaient des poissons ou préparaient avec leurs œufs du caviar rouge ; d’autres bottelaient des bèches de mer et des ailerons de requins séchés, restes de la récolte journalière drainée par les filets des jonques entre les mille îlots et récifs semés, comme les épaves d’un naufrage, devant les côtes Est et Sud de la Corée.

Au Nord, les mineurs se hâtaient de broyer et de laver le quartz aurifère, avant que la gelée ne vînt solidifier les eaux ; les bûcherons activaient l’abatage des bois dans les montagnes de Diamant, et, dans de rares coins de plaine, les paysans coupaient l’orge.

Au Centre, à qui mieux mieux, on moissonnait. Les fonds des vallées, les ensellements modelés à même la masse des collines, avaient été vidés, par la levée de petites vannes, de nappe d’eau nécessaire à la maturation du riz. Englué jusqu’aux genoux de limon noir, hommes, femmes, enfants, tranchaient joyeusement de leurs faucilles et entassaient, par poignées, les épis roux, dans des corbeilles pendues à leurs épaules, comme des boîtes de botanistes. La joie de récolter avait réveillé la bonne humeur qui forme le fond du caractère coréen. C’était une explosion de rires et de plaisanteries quand un moissonneur maladroit ou malchanceux enfonçait jusqu’à la ceinture dans ces champs où ils auraient pu employer les pousse-pied des pêcheurs de moules d’Esnandes. Sur les levées, de magnifiques bœufs roux, gardés par de petits enfants, attendaient, en s’émouchant placidement, que la provende bottelée au fur et à mesure fût entassée sur leurs larges bats, faute de gerbières.