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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/386

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fut, envers moi, la duplicité de ce très vieux homme-ci. »

La souveraine veuve regarda le fakir : à peine si sa voix décelait, en de légers tremblements, la fureur qu’elle dominait.

— « Démens-moi ! continua-t-elle ; dis-nous de quelles délices tu tins à fleurir, pour ces adolescents idéals, la pente de la mort promise ? sous les pleurs de quelles extases tu sus voiler leurs yeux ravis ? en quels inconnus frémissements d’amour tu fis vibrer leurs sens jusqu’à cet alanguissement mortel où je rêvais que s’éteignissent leurs deux êtres ? Non ! tais-toi.

« Mes phaodjs, aux écoutes dans les murailles, t’observaient — et j’ai lieu d’estimer leur clairvoyance fidèle… Va, tu peux lever sur moi tes yeux ! À qui me jette le regard qui dompte, je renvoie celui qui opprime, n’étant pas de celles qui subissent des enchantements.

« Ô prince pur, Sedjnour, ombre ingénue, — et toi, pâle Yelka, si douce, ô vierge ! — Enfants, enfants !… le voici, cet homme de tourments qu’il faut, où vous êtes, incriminer devant les divinités sans clémence qui n’ont pas aimé.

« Je veux savoir pourquoi ce fils d’une femme oubliée ma cacha cette haine qu’il portait, sans doute, à quelque souverain de la race dont ils sortirent et quelle vengeance il projetait d’exercer sur cette innocente postérité !…

— Car, de quel autre mobile s’expliquer ton œuvre, brahmane ? à moins que tes féroces instincts natals, ayant, à la longue, affolé