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introduction

au langage vulgaire, nous a engagés à préciser immédiatement, par l’emploi du nom scientifique de l’espèce dont elle dérive, l’identité botanique de toute plante dont nous parlons dans cet ouvrage. — Non pas que nous forgions un nom latin, d’aspect scientifique, pour chaque variation, comme on a proposé de le faire il y a quelques années : nous voulons dire qu’avant d’aborder la description d’aucune forme végétale cultivée, nous tenons à indiquer d’une façon rigoureuse la place occupée dans la classification botanique par le type sauvage ou primitif d’où cette forme est regardée comme procédant. — Nous commençons donc tout article consacré à une ou plusieurs plantes domestiques en donnant un nom botanique à l’ensemble des êtres réunis dans cet article, nom qui indique le genre et l’espèce auxquels toutes ces formes plus ou moins modifiées par la culture doivent être rapportées. Ainsi toutes les races de pois potagers, toutes nombreuses qu’elles sont, se rapportent au Pisum sativum L. ; celles de betteraves au Beta vulgaris L. ; celles de haricots aux Phaseolus vulgaris L., Ph. lunatus L., et Ph. multiflorus Willd., et ainsi des autres.

Et à ce propos il nous sera permis de faire la réflexion que la fixité de l’espèce botanique (quelle qu’en soit la valeur absolue si on la considère dans l’ensemble des temps) est bien remarquable et bien digne d’admiration si on l’envisage seulement dans la période que nos investigations peuvent embrasser avec quelque certitude. Nous voyons en effet des espèces soumises à la culture dès avant les temps historiques, exposées à toutes les influences modificatrices qui accompagnent les semis sans cesse répétés, le transport d’un pays à un autre, les changements les plus marqués dans la nature des milieux qu’elles traversent, et ces espèces conservent néanmoins leur existence bien distincte, et, tout en présentant perpétuellement des variations nouvelles, ne dépassent jamais les limites qui les séparent des espèces voisines.

Dans les courges, par exemple, plantes annuelles si anciennement cultivées, qu’elles ont vu assurément plusieurs milliers de générations se succéder dans les conditions les plus propres à amener des modifications profondes de caractères, on retrouve, pour peu qu’on veuille y regarder, les trois espèces qui ont donné naissance à toutes les courges comestibles cultivées ; et ni les influences de la culture et du climat, ni les croisements qui peuvent se produire de temps en temps, n’ont créé de type permanent ni même de forme qui ne retourne promptement à l’une des trois espèces primitives. Dans chacune, le nombre des variations est presque indéfini ; mais la limite de ces variations semble fixe, ou plutôt elle semble pouvoir se reculer indéfiniment sans jamais atteindre ni pénétrer les limites de variation d’une autre espèce.

Est-il une plante qui présente de plus nombreuses et de plus grandes variations de forme que le chou cultivé ? Quelles plus profondes dissemblances