Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/104

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jour était venu pour moi comme pour les autres. Que te dirais-je, effendi ? Tu sais ce qu’il advient aux jeunes, quand la tête manque ainsi qu’un gouvernail mal arrimé et ne peut plus rien contre le courant. En débarquant sur le port, au lieu d’aller m’enquérir des bateaux en partance, je montai au bazar et laissai machinalement tomber mes piastres sur le comptoir du joaillier, où je pris une croix d’or ; le lendemain, le caïque me ramenait à Cymî, et je m’arrêtais à Stavro. Quand Lôli vint à la source, je lui présentai tout tremblant le bijou.

L’enfant battit des mains, le passa à son col et courut, légère comme une perdrix, jusqu’à la grève ; elle se pencha longuement sur l’eau, les pieds dans la vague, pour voir briller la croix à son corsage. Puis, remontant à moi, avec son grand rire :

« Tu ne pars donc pas ? La main a raison ?

― Non, fis-je tout honteux, j’ai changé d’idée, je vais redemander du travail au patron.

― Frère, prends garde, dit-elle en redevenant sérieuse, prends garde au fond bleu de la mer. Il y a de méchants démons, qui attirent les pauvres plongeurs et les attachent avec des chaînes de corail, comme ceci, ― elle montrait des brins de ce faux corail que nous trouvons parfois en cherchant l’éponge, tressés dans ses cheveux, et qui brillaient là comme les cerises de juin dans les vergers de Damas, ― les démons les emprisonnent dans leurs palais de verre et les font le