Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de beaux coquillages et des coraux dont elle aimait à se couronner le front. Je trouvais la fiancée assise devant la porte du père, sur le tas d’éponges fraîches qu’elle triait : à la voir toujours ainsi, perdue dans ces lits de varechs et de plantes marines, parée de coquillages, les bras et les mains ruisselants de gouttes d’eau, il me prenait parfois des peurs bizarres qu’elle ne s’évanouit comme mes visions du fond de la mer. C’est que je m’affolais chaque jour davantage, et je sentais que tout le bien de mon âme passait à elle. Je m’aperçus vite que les pauvres pêcheurs l’appelaient folle parce qu’ils ne pouvaient pas la comprendre ; elle devinait les choses au-dessus de leur esprit, et moi, qui ai étudié dans l’église, j’avais peine à la suivre. Elle savait surtout mille secrets de la mer, les histoires diverses que se disent les vents de tempête et les petites brises de l’aube, les musiques changeantes de la vague sur le galet suivant les saisons et les heures, les querelles des flots en colère, les sanglots et les tristesses des lames. Elle savait aussi beaucoup du ciel et des étoiles, qu’elle regardait volontiers quand il faisait nuit sur l’eau : pourquoi les unes marchent autour des autres immobiles, où vont celles qui disparaissent, et ce que cherchent les plus voyageuses en descendant aux recoins sombres du firmament. Enfin elle m’apprenait, et cela me plaisait plus encore, à écouter au dedans de nous une musique plus divine que celle des flots