Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/107

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et des étoiles ; le grand rire fou de Lôli se taisait, le soir, quand nous nous promenions ensemble sur la grève : elle m’enseignait les larmes qui montent aux yeux du cœur plein, sans savoir pourquoi elles montent, parce qu’on sent la terre féconde, le ciel bon, la vie chaude autour de deux âmes emplies d’une aise triste. Elle me faisait raconter aussi mes matinées de travail, elle aimait avec une curiosité passionnée m’entendre parler des royaumes marins où je vivais, du monde étrange qui se meut au fond des eaux, des bêtes et des plantes cachées, des palais de verre que bâtit la lumière oblique. Ses yeux brillaient alors d’un désir fou, elle disait :

« Il faudrait aller plus profond encore, pour voir. »

Ainsi, te dis-je, passèrent les deux années, et je les revois toutes blondes d’amour, comme ensevelies dans un suaire tissé avec les cheveux dorés de Lôli. Vers la fin de la seconde, j’avais amassé de quoi acheter une petite maison à Stavro. Je vins au village le dimanche avant la Pâque, il fut convenu qu’on nous marierait après la fête et que je m’associerais avec Michali. Pendant cette dernière semaine, je devais aller travailler au grand banc de Leuka, tout au nord de l’île, là où sont les meilleures pêcheries, pour gagner la robe de noces de Lôli. J’embrassai ma fiancée et partis en chantant, sans me douter que le malheur allait prendre ma place à sa porte.

Or voici comme Dieu nous frappa. La veille du