Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/108

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grand jeudi, Michali alla de son côté à la pêche dans les fonds dangereux, à une brasse de la côte. Tu sais peut-être, effendi, que le plongeur descend jusqu’à quarante pieds impunément ; mais c’est tout le poids d’eau qu’un homme peut supporter. Quand il dépasse cette limite, ne fût-ce que d’un pied ou deux, il travaille comme si de rien n’était et remonte à la surface sans aucun mal apparent ; mais, aussitôt revenu à l’air, il tombe foudroyé. Depuis lors, un médecin d’Europe, que les marchands francs ont amené avec eux quand ils ont installé à Cymî les machines à plonger, m’a raconté qu’il avait visité des pêcheurs morts de cette manière : ils avaient les os du cou brisés et pleins de petites bulles d’air rentrées. Ce jour-là donc, le vieux Michali, entraîné par quelque riche trouvaille, tira imprudemment sur la corde de descente et dépassa la limite ; quand on le remonta, il s’abattit sur la plage comme un pin touché de la foudre et rendit le souffle. On le rapporta mort à la maison ; et ce n’était là que le premier coup du mauvais ange, qui frappe toujours deux fois à la même porte.

A ce moment revenait à Stavro un certain Costaki ; il avait travaillé avec moi cette semaine à Leuka. Costaki était un garnement mal famé, qui avait demandé deux fois ma fiancée en mariage et qu’elle avait refusé avec son grand rire dédaigneux. Dans nos promenades, le soir, nous l’avions surpris comme il nous jetait des sorts. Une idée