Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/109

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d’enfer vint à l’esprit du misérable. Il entra au milieu de la nuit dans la maison où Lôli et sa mère, la vieille Sophia, veillaient tout en larmes le corps du défunt. La mine harassée et contristée, il prit à part la mère et lui dit, de façon à être entendu de Lôli : « Pauvre Sophia ! qu’avez-vous fait au Christ ? J’arrive de Leuka, où nous avons retiré de l’eau ce matin le corps de Vanghéli. Il a voulu trop gagner pour votre fille et s’est fait descendre au banc de la Mort, où ont péri l’autre année les deux fils d’Hadji Vassili ; cette fois encore le banc ne nous a rendu qu’un cadavre. Que la Vierge ait pitié de Lôli ! » Celle-ci, ayant tout entendu, se jeta sur le scélérat et lui dit de parler ; il recommença son histoire, les larmes aux yeux. Alors la malheureuse, l’esprit déjà troublé par la mort de son père, jeta un grand cri, puis son rire habituel éclata dans la chambre : cette fois elle était la bien nommée, la pauvre Lôli, elle était folle !

Ne sachant rien de tout cela, j’avais touché ma pièce d’or le samedi, et je m’en revenais marchant toute la nuit ; les cloches joyeuses, qui sonnaient la résurrection aux églises, me donnaient courage. J’arrivai au village dès l’aube, et voyant la vieille Sophia sur sa porte, je criai de loin en chantant :

« Éveille toi, Lôli, Christ est ressuscité, éveille-toi, Lôli ! »

La mère courut à moi en arrachant ses cheveux blancs : « Appelle-la Lôli, vraiment Lôli désormais ! »