Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/117

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de la sorte, j’étais devenu une sorte d’intendant dans sa maison. Ce moment de ma vie fut bon ; seulement, l’été, à Alexandrie, il ne fallait pas trop regarder le fond de la mer, quand je m’asseyais sur la plage ; je me sentais alors glisser dans les tristesses passées en y revoyant ce que tu sais.

Un hiver, quand nous revînmes au Caire, il se fit de grands rassemblements de troupes ; je m’aperçus qu’il se préparait de graves choses, j’entendis les conversations du prince au divan, et je m’expliquai pourquoi il m’interrogeait si vivement sur les villes de Syrie. Je fus alors témoin d’une scène qui m’est restée toute fraîche dans la mémoire et que je puis te raconter.

Il y avait en ce temps à la grande mosquée d’El-Ahsa un uléma célèbre par sa science et sa sainteté, qu’on appelait cheikh Yakoub Quodjah. Il venait souvent au Séraï et conversait longuement avec Ibrahim : je trouvais toujours mon maître plus pensif après ces entretiens. Un soir que cheikh Yakoub était venu suivant son habitude, le prince m’appela, me dit de rouler son tapis de prière sur mon âne et de le suivre. Nous sortîmes tous les trois ; le cheikh, qui nous précédait sur son ânesse blanche, prit le chemin des Tombeaux des khalifes. Tu connais sans doute, effendi, ce désert sombre et superbe où les anciens khalifes d’Égypte reposent dans le sable, sous les chapelles merveilleuses des architectes d’autrefois ; si tu ne le connais pas, aucune