Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/119

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sable, sortaient et glissaient des formes vagues ; j’ai pensé depuis que c’étaient peut-être les chameliers que la nuit surprend parfois endormis dans ce lieu, peut-être les chacals qui viennent y rôder, et dont les yeux de braise nous regardaient fixement ; mais à cette heure, terrifiés comme nous l’étions, nous crûmes que les morts répondaient à l’appel du Quodjah. Lui continuait là-haut de sa voix tonnante :

« Levez-vous tous, dites à Ibrahim, héritier des Khalifes, que l’heure est venue de marcher. A lui l’étendard des saints, à lui le khalifat des Croyants, à lui le trône affaissé de Stamboul : par lui le sang doit couler et l’empire d’El-Mohawi refleurir dans le sang ; dites-lui que Dieu l’a marqué, qu’il marche ou qu’il sera maudit ! »

Et je ne sais si ce fut encore le glapissement des chacals mais il nous sembla entendre des échos lointains qui se redisaient de tombe en tombe :

« Amin, amin ! » Le prince se prosterna de nouveau sur les turbés et pria longuement, puis, sans dire une parole, il reprit sa monture et repartit.

Le lendemain matin, quand je descendis dans les rues pleines de peuple, des muezzins appelaient de toutes les mosquées les Arabes à la guerre, les soldats sortaient des camps ; le jour même, Ibrahim m’ordonna de faire ses préparatifs de départ. Une semaine après, la belle armée du pacha d’Égypte, comme un nuage de sauterelles, couvrait le désert de Suez d’hommes, de chameaux, de chevaux