Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/122

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re du matin : c’était la mer, et l’une de ces taches était Lattaquieh. Je fus tout saisi par cette vue ; les idées qui me montèrent à la tête en ce moment achevèrent de me décider. J’entrai doucement dans la tente où le pacha s’était assoupi un instant, je baisai sa main qui pendait sur les coussins, car il avait été bon pour moi dans le temps passé, et je m’enfuis par le bois de cèdres vers le col de la montagne. J’y restai caché trois jours quand j’appris qu’Ibrahim s’était éloigné avec tout son monde, je repris ma course et descendis à la mer. En entrant dans les jardins de Lattaquieh, je reconnus notre petite maison sur le port, telle que je l’avais laissée vingt années auparavant. Mon père était assis devant la porte ; mais, à la suite d’une maladie d’yeux prise dans un voyage au désert de Gaza, il était devenu aveugle.

« Père, criai-je, tu ne me reconnais pas ?

― C’est la voix de Vanghéli, dit le vieux à la mère ; tu fais bien de revenir, garçon, car je m’en vais, et tu continueras les affaires. »

Quelques jours plus tard, en effet, le père rendait son âme en me disant :

« Tu as vu qu’on ne trouve pas le repos en courant le monde ; reste où j’ai vécu, et que Dieu te fasse prospérer plus qu’il n’a fait pour moi. »

Il ne me laissait que sa boutique et son bon renom pour m’achalander auprès des pêcheurs avec qui de nouveau j’allais vivre.