Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/133

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aussi. Le principal pour réaliser de si grands projets était d’amasser beaucoup d’argent : je m’y employais de mon mieux. D’abord j’avais eu grand’peine à subsister avec mon traitement : une centaine de piastres par mois, rarement payées. Mais, à mesure que mon influence grandissait les piastres et les livres d’or arrivaient de toutes parts comme d’elles-mêmes. Ceux qui avaient des procès devaient compter avec moi, ceux qui avaient des réclamations à faire au gouvernement encore plus. A l’époque de l’adjudication des dîmes, les fermiers désireux de l’obtenir ne négligeaient pas de m’intéresser à leur demande, de même les concessionnaires des travaux du fleuve. Les zarafs qui avançaient de l’argent pour les dépenses du vilayet n’ignoraient pas qu’on me consulterait sur le taux du prêt ; enfin j’ai dû tenir les comptes pour les levées des nizams. Le Seigneur sait que je n’ai jamais fait de tort à personne et que je me suis contenté des bénéfices habituels de mon emploi, recevant les cadeaux comme il est naturel. J’ai vu quelquefois des négociants d’Europe me les refuser, en disant qu’on n’avait pas cet usage chez eux : il est pourtant juste de payer ceux dont on a besoin, et il t’est bien connu que tout le monde fait de même ici. Pour nous autres chrétiens surtout, les positions sont si précaires qu’il faut travailler vite quand on y est, afin de se garer du malheur à venir. La fin de mon histoire prouve bien qu’il