Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/134

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vient toujours plus promptement qu’on ne s’y attend ; et, s’il est venu sur moi, c’est peut-être parce que j’ai été trop honnête et trop humain.

Il y avait en ville un mollah fort considéré, membre du medjliss, dont le père se ruina et vendit sa maison à un Arménien. Pour rentrer en possession de la maison, le mollah prétendit que c’était un vakouf, bien de mosquée, et amena au konaq deux faux témoins que je connaissais bien ; pour une livre par tête, ils s’étaient engagés à appuyer son affirmation. Je fus sollicité de l’aider dans cette affaire ; mais le mollah, qui était avare, ne me donna que de bonnes paroles : rien ne s’opposa donc à ce que je découvrisse l’injustice de sa cause, qui fut perdue devant le tribunal. J’eus, à partir de ce jour, un puissant ennemi, il ne négligea rien pour me perdre. Sur ces entrefaites, le pacha qui m’avait témoigné tant de bonté fut nommé au Yémen : je me crus assez fort pour rester seul à Bagdad et ne tardai pas à m’en repentir. Quelques semaines après son départ, au temps de la Pâque juive, je fus attiré par le bruit d’une rixe en traversant le bazar : c’étaient des Grecs qui assommaient un juif, accusé d’avoir volé et tué un enfant chrétien pour préparer l’agneau avec son sang. Je reconnus le vieux Zacharias-ibn-Jéhoudah, avec lequel j’avais quelques petites affaires ; touché de pitié, j’appelai les zaptiés et je fis lâcher prise à mes coreligionnaires. J’avais eu