Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/139

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devant l’émir de Damas ; le Mal avait acheté l’émir, qui attesta par un nouveau firman les droits du gagnant. Le Bien partit alors pour aller à Bagdad se jeter aux pieds du khalife, représentant de la justice divine sur terre, et faire casser les jugements iniques ; mais le Mal s’était mis en route de plus grand matin. Il est difficile de croire qu’il ait acheté le khalife, dont le nom soit loué ; pourtant le monde fut irrévocablement constitué sa propriété par la plus haute autorité qu’il y ait sur la terre. Désespéré, le Bien en appela à Dieu, qu’on n’achète pas. Le Seigneur déclara qu’il ne pouvait revenir sur ce qu’avait décidé son représentant en ce monde, mais il promit au Bien sa revanche dans l’autre, qui lui appartiendrait tout entier et où le Mal n’entrerait jamais. C’est dans ce monde-là, croyants, que vous serez sûrement dédommagés des injustices du nôtre. »

Tu sais, effendi, comment les petites choses décident parfois de nous : voilà que ce récit, qui résumait la longue expérience de toute ma vie, me rappela que je n’avais plus que peu de jours devant moi, plus rien à attendre de nouvelles entreprises, plus de jeunesse d’âme pour les tenter, et qu’il fallait penser à ce monde où les pauvres gens se reposeront sans crainte de revirement. Je réfléchis alors qu’il serait peut-être sage de mourir à l’ombre de l’église où j’avais commencé de vivre ; je me souvins des pieux monastères de Roumélie, ceux de