Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/140

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l’Athos et ceux de Thessalie, où j’avais trouvé abri plus d’une fois dans ma jeunesse, au temps de la guerre et d’Ali de Tépélen. Le détachement des biens de la terre m’était facile, puisque je n’avais plus un para. Mon seul embarras était de savoir comment je traverserais encore une fois toute l’Asie, pour gagner les saintes maisons orthodoxes : je n’avais plus le courage ni la force de me faire matelot ou chamelier. Le hasard me vint une dernière fois en aide : j’entendis en ce moment à côté de moi ces comédiens, qui s’étaient réunis pour compter leur recette et discuter en commun leurs projets de voyage jusqu’à Stamboul. Je m’approchai d’eux et leur demandai s’ils pourraient me transporter et me faire vivre sur la route en me donnant un emploi dans leur troupe ; il fut convenu que je jouerais à l’occasion les vieilles femmes gardiennes de harem ou les cadis battus par Hadji-Baba. Nous partîmes quelques jours après, nous acheminant lentement par les villes d’Anatolie, dressant notre mach’ala chaque soir au hasard de l’étape, dans les villages ou dans les capitales. Nous nous sommes attardés dans Alep, où les gens sont curieux et oisifs et où 1a recette était bonne tous les jours : nous avons perdu nos peines à Konieh, à Césarée, où la misère est grande, le blé ayant manqué depuis deux ans. Les neiges d’hiver nous ont retenus à Angora, le printemps nous a rouvert la route, et voici qu’après cette année errante nous