Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/146

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Nous arrivâmes après quatre heures de marche au village de Kalabaka, adossé à la première de ces éminences, et nous nous engageâmes par un sentier de chèvres dans un paysage étrange, produit de quelque cataclysme inconnu. Tout autour de nous se dressaient des aiguilles, des colonnes, des tables de pierres, squelettes de montagnes grêles et sveltes, hauts de plusieurs centaines de pieds, sans lien entre eux. Enracinés aux âpres rochers de cette gorge bouleversée, les fûts naturels montaient tout d’une venue dans la ligne d’aplomb comme des peupliers de granit. Aucun accès apparent sur les parois à pic ; et pourtant, sur les faîtes étroits, des maisons blanches se détachaient en plein ciel, ainsi que les nids de cigognes sur les minarets des villes d’Asie. Ce sont les couvents des Météores (meteora, suspendu en l’air), vraies maisons de prière, qui peuvent bien être en com-munication avec le ciel, mais que rien ne rattache à la terre. La légende qui en attribue la construction à des puissances célestes a dû s’établir sans peine, car on ne conçoit pas comment des architectes humains ont pu élever des matériaux sur ces cimes. Là-haut vivent de petites communautés de stylites, des moines qui ont fait vœu de ne plus quitter ces prisons aériennes, où leur vie s’écoule sur un plateau de quelques mètres carrés. J’y ai vu des vieillards qui depuis cinquante ans n’étaient pas redescendus dans le bas monde.