Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/149

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d’un aspect bizarre, triste et solitaire, je compris comment les anciens avaient placé au point où je me trouvais la source des fleuves infernaux, et pourquoi ils avaient dédié cette vallée aux divinités funèbres, aux rites magiques et aux incantations des sorcières. Quand la lune vint jeter une large lueur glauque sur les eaux de la rivière, qui rayait de sinueuses lignes d’acier l’ombre de la plaine, je me préparai à entendre les cris et le rhombe des classiques magiciennes de Thessalie. Je ne fus pourtant troublé que par l’igoumène de Varlaam, un vieil ascète tout blanc qui vint me rejoindre avec l’évêque et un de ses caloyers. Nous causâmes ; comme je lui demandais si son troupeau était nombreux, il me répondit avec tristesse :

« Nous ne sommes plus que six ; la foi s’en va, il ne vient plus de jeunes aux Météores pour remplacer les vieux que le Seigneur appelle. Depuis dix ans, aucun caloyer ne s’est présenté excepté Vanghéli. »

Ce nom évoqua subitement dans mon esprit l’image du comédien de Nicée : il est ainsi des syllabes qui tombent comme une pierre dans les trous obscurs de la mémoire et en font jaillir une fusée de souvenirs.

« Vous avez un frère qui se nomme Vanghéli ? m’écriais-je avec intérêt.

― Il en est venu un il y a quelques années, un vieillard qui est mort justement il y a trois semaines.