Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

leur sabot réveillait l’écho des voûtes, nous pensions aux prélats byzantins qui ont tant de fois, passé cette même porte en majestueux appareil, portant aux conciles leurs passions ardentes et leurs subtiles controverses.

Le dernier porche franchi, ce ne fut pas une ville qui nous apparut, mais une avenue déserte et silencieuse, fuyant à perte de vue entre des jardins, des mosquées ruinées et des tombeaux. Ce sont les monuments des anciens maîtres de Nicée, les sultans Seldjoukides. Des grilles en fer ouvragé couraient des deux côtés de la chaussée, cédant par places sous la poussée des cyprès et des arbres de Judée ; elles séparaient des tombes nombreuses dont les colonnes, coiffées de turbans, prenaient de vagues formes humaines : des lampes pendues aux barreaux veillaient pieusement sur ces enclos, et ce lieu semblait si abandonné de tout être vivant que ces lampes. allumées par des mains inconnues, y mettaient un mystère de plus. Ce mystère, les profils grandioses et les aspects menteurs qu’ont les ruines à cette heure, les illusions et les inquiétudes de la nuit, la surexcitation de la fatigue, de l’inattendu, tout nous troublait à ce point que nous nous demandions sérieusement si ce décor magique n’allait pas s’évanouir dans le réveil d’un rêve.

La masse noire d’une grande mosquée barrait l’avenue ; soudain, au détour de son mur, un flot de lumière nous aveugla, une clameur bruyante