Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/75

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misérable contre le puissant, de la nuit de folie contre les années de peine ; seule littérature sortie toute vive des entrailles du peuple, satire faite d’ordure et de génie, que se passent en haut maître Renart, Panurge, Tartufe et Figaro, en bas Tabarin, Polichinelle, Robert-Macaire ou Karagheuz. C’est à ce nom que répond en Orient le héros des marionnettes : il le garde souvent dans la vraie comédie, à moins qu’il ne s’appelle Hadji-Baba. Hadji-Baba est un gueux provocant et subtil ; sûr de toutes les indulgences d’un public dont il personnifie l’âme secrète, il exerce d’abord ses talents sur les divers corps de métiers et donne son opinion dans un style peu châtié sur la vertu des dames du harem. Quand il a mis le comble à ses méfaits, l’autorité intervient sous la double forme temporelle et spirituelle du juge et du prêtre : Hadji-Baba rosse le cadi et rosse l’imâm ; pour peu qu’on le laissât faire, il rosserait mieux et plus haut ; à défaut de son bâton, sa raillerie grossière remonte la hiérarchie officielle du pacha au mufti, du mufti au vizir. S’il veut toucher la fibre patriotique, il daube sur le Persan, le patio séculaire du théâtre turc. Autrefois même, à Damas, Karagheuz battait en effigie le consul de France, hommage inconscient rendu à la crainte qu’inspirait notre nom. J’ai revu maintes fois avec bien des variantes la comédie orientale : au travers des incidents laissés à l’improvisation de l’artiste, la trame