Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/76

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m’est toujours apparue la même ; sous des noms étrangers, c’est la sotie qui réjouissait nos pères, le Polichinelle qui amuse nos enfants. En Orient, comme en Occident, le public contemple avec délices les tours malicieux ou violents du héros populaire, les humiliations du maître ; la scène finie, il s’en retourne plus allègre à sa chaîne, heureux d’avoir vu flattées et formulées ces rancunes profondes qu’il sent au dedans de lui sans pouvoir les analyser ou sans espérer les satisfaire.

Les comédiens de Nicée développèrent à leur guise le thème traditionnel. Quand l’auditoire, enthousiasmé par les traits d’audace d’Hadji-Baba, eut fait pleuvoir un nombre de piastres respectables dans la sébile, ils s’arrêtèrent en pleine action sans souci des règles dramatiques, et le régisseur renversa d’un coup de pied la torche de résine. La foule s’engouffra sous la haute porte en ogive du khân, se passant au loin dans un dernier éclat de rire le dernier lazzi. Le portier verrouilla les ais aux lourdes barres de fer, les acteurs s’empilèrent dans le chariot de Thespis qui les avait amenés et qui gisait dans un angle de la cour ; les portes des petites cellules affectées aux voyageurs se refermèrent sur des marchands de Brousse qui partageaient avec nous l’hospitalité du caravansérail.

Si fatigué que l’on soit, il faut une robuste accoutumance pour trouver le sommeil sur la terre