Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« Il me paraît que tu n’es guère fatigué pour ne pas reposer à cette heure ?

― Oh ! j’ai bien le temps de me reposer ; j’ai joué ce soir pour la dernière fois.

― Est-ce que tu as eu des difficultés avec tes camarades ? Je suis étonné de te voir, toi orthodoxe, avec des Arméniens.

― C’est le hasard qui a fait cela. Je suis entré dans la troupe à Bagdad, pour gagner de quoi faire la route. Je la quitte demain pour m’embarquer à Gueumlek ; je vais chez les saints vieillards de Roumélie me faire moine. »

Cela dit, l’homme se tut et fuma en silence ; je surpris dans ses yeux la défiance innée chez l’Asiatique vis-à-vis d’un inconnu. Il reprit après un moment :

« Tu viens de Stamboul, effendi ?

― Oui.

― Qu’est-ce que tu viens chercher ? Les cotons, les soies ou le tabac ?

― Rien de tout cela. Je suis voyageur, je regarde les hommes et les choses, je cherche la sagesse.

― Voilà une marchandise qui ne t’enrichira pas. Je n’ai pas encore rencontré ceux qui l’ont trouvée, et pourtant j’ai vu bien des pays et fait bien des métiers avant celui de comédien.

― Veux-tu me les raconter, puisque nous ne dormons ni l’un ni l’autre ? »