Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/82

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ma mère que j’étais destiné à être prêtre, et il fut décidé qu’on m’enverrait à la grande école du patriarcat, à Antioche. On me donna un vêtement neuf, et je partis avec une caravane de marchands de Beyrouth. Je me rappelle la figure de chacun d’eux et les moindres hasards de la route : ce serait peu de chose à te conter, mais moi, je revois souvent tout cela en idée, les soirs. Tu dois savoir que les petits souvenirs du matin de la vie nous reviennent toujours grossis et brillants, comme les grandes lettres d’or qui sont à la première page des vieux livres. J’abandonnai les marchands au bazar d’Antioche ; un peu tremblant, serrant dans ma main la lettre du protosyncelle de Lattaquieh, je me rendis au divan de Sa Béatitude. En ce temps-là, Mgr Anthimos était patriarche des orthodoxes d’Asie. Je trouvai un grand vieillard, tout pesant d’années, avec une face de cire et une longue barbe blanche, comme dans les icones que tu vois aux murs des églises de Dieu. Il me donna sa main à baiser et me recommanda au diacre Théodoulos ; un grand beau garçon des îles, avec une tête de saint Jean et des cheveux qui lui tombaient jusqu’à la ceinture durant les offices, mais un peu bourru et querelleur. Théodoulos m’assigna pour tâche de balayer la galerie de bois du konaq et d’apprêter le café aux prélats ; plus tard, il m’enseigna à psalmodier les litanies dans le chœur. Le