Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/83

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soir j’apprenais les Écritures, la liturgie, les Pères, et je tenais les comptes des Métochies. Je vécus ainsi, cinq années peut-être, dans la paix des hommes pieux, et je leur dois d’être un peu moins ignorant que le pauvre monde. Cependant la barbe m’était poussée au menton, et je pouvais ramener mes cheveux en longues tresses sous mon bonnet, Comme Théodoulos ; il fut question de m’ordonner diacre à la Pâque prochaine. La vie n’était pas dure dans l’église, et j’eusse été sage de m’en contenter ; mais la jeunesse est dédaigneuse de ce qu’elle tient et amoureuse de ce qu’elle ignore. Un Père a dit : « L’homme marche avec l’espérance au matin de la vie, comme avec son ombre à l’aurore ; légère, insaisissable, et morte au premier nuage qui voile le ciel. » J’avais toujours dans les yeux la mer, vue en naissant, dans l’esprit les marins qui chantent sur elle en courant sous le vent ; il me peinait de vivre entre des murailles. C’était précisément l’année où ceux de Morée se levèrent contre les Turcs pour la liberté. Cela ne nous touchait guère, nous autres gens d’Asie ; mais on ne saura jamais, effendi, quelles idées passèrent alors par toutes les têtes. Il semblait que l’air fût plein de choses nouvelles pour ceux qui avaient vingt ans. Sans cesse arrivaient chez nous des marchands de Smyrne, de Tchesmé, de la côte, qui faisaient de grands récits de la terre en feu, des massacres et des batailles, des flottes