Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/84

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du capitan pacha brûlées à Porto Sigri et à Chio. Deux diacres, Grecs des îles, nous quittèrent pour rejoindre l’escadre de Tombazis. Moi, je ne pouvais plus lire dans les livres de l’école, et je courais les places pour écouter les voyageurs.

Cet hiver là, après la récolte des olives, le patriarche, qui m’avait pris en gré, m’envoya recueillir les dîmes de l’église dans les districts de la mer. Je partis pour Iskendéroun. Un matin que j’étais assis sur le quai de radoub à regarder les goëlands, je vis venir à moi un patron de brick qui m’avait connu enfant dans la boutique de mon père. Il m’emmena au café sur la marine et, tout en buvant le raki, il me raconta qu’il chargeait des grains pour Monemvasia, un bourg de Morée, et voulait tenter de ravitailler la place assiégée par les Turcs. Puis il me fit cent histoires de la vie des Klephtes dans la montagne ; je l’écoutais, et l’odeur de l’eau salée qui battait l’estacade me grisait. Le lendemain, le vent de terre s’étant levé, Yorgaki vint à l’aube demander la bénédiction de l’évêque avec qui je faisais mes comptes et annonça qu’il allait prendre la mer : il se plaignit d’avoir perdu un de ses matelots. Je le suivis sur le port : je vis les voiles s’enfler en battant les vergues, je me sentis comme possédé, je sautai à bord, je m’assis à la barre et m’offris pour remplacer le matelot, sachant le métier de mon enfance. La terre disparut, on ne vit plus que