Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/85

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le ciel et l’eau : il me sembla que mes années passées descendaient dans la mer, et que des années toutes neuves, toutes fières, montaient dans le ciel devant moi.

Nous fûmes trois semaines sous voiles, louvoyant et rusant entre les lourdes frégates turques, qui dormaient comme des chiens enchaînés à l’ombre des baies de Candie. La Vierge nous garda des Égyptiens, mais non pas des mauvais vents : ils nous prirent par le travers du cap Malia et nous jetèrent à la côte, bien au-dessous de Monemvasia. Tandis que Yorgaki se lamentait sur son brick avarié et ses grains perdus, j’allumai des broussailles pour sécher ma robe de diacre, toute trempée d’eau de mer. Des bergers qui paissaient les chèvres dans la montagne accoururent, attirés par la flamme, et me contèrent que Kolokotroni et ses Armatoles n’étaient qu’à deux journées de nous, dans le Magne. Au matin, un garçon qui portait du lait et des olives au camp des Klephtes s’offrit à m’y conduire : je grimpai avec lui les sentiers du Mavrovouni : le soir du second jour, nous descendîmes vers un grand feu dont la clarté rougissait les lauriers et les lentisques, dans le ravin du Xéropotamo. Une centaine d’hommes se chauffaient autour, faisant rôtir le mouton à l’albanaise. Un peu à l’écart, un grand vieillard maigre, sec et blanc comme un vieil aigle de montagne, était accroupi entre de gros chiens d’Épire qui faisaient