Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/87

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au pied du monticule que domine le village, nous entendîmes la voix du muezzin qui criait la prière d’Allah dans le clocher profané. Quelques pieux chrétiens de la troupe, exaspérés du sacrilège, rampèrent dans un champ d’oliviers jusqu’aux premières maisons : trois ou quatre coups de feu partirent en même temps, et je vis la silhouette noire du muezzin, qui se détachait du ciel déjà blanc, tourner les bras étendus sur la plate-forme du clocher et tomber comme un plomb. Aussitôt une tempête de voix éclata dans le silence de l’aube, des turbans apparurent à toutes les fenêtres, et les balles commencèrent à siffler comme des abeilles dans les oliviers. Yani, un petit pâtre qui nous avait joints la veille et qui dormait de fatigue à mes côtés, se leva debout devant moi ; j’entendis un léger frisson, comme d’un fer rouge entrant dans la terre mouillée : l’enfant ouvrit deux fois la bouche toute grande en balançant la tête et respirant avec force puis il s’étendit devant lui sur la face, les bras en croix, sans autre geste ni cri. C’est comme cela, effendi, quand on est frappé au cœur. Depuis j’en ai vu bien d’autres, mais le premier, cela reste. Je puis te dire aujourd’hui qu’à cette première minute je sentis tous mes os claquer dans le froid du matin : je m’agenouillai sous un arbre, pensant à la tranquille église d’Antioche, et je priai désespérément la Vierge et les saints ; l’oreille collée à terre, j’écoutais tous les bruits d’ouragan que le sol