Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/88

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m’apportait, la grande voix de Kolokotroni commandant l’assaut à ses palikares, les clameurs des turcs répondant aux nôtres, la fusillade, le canon que les toparadjis achevaient de pointer. Au bout de quelques secondes, je sentis que tout ce bruit me grisait et m’enlevait le cœur loin de mes jambes qui tremblaient ; un vieil Armatole qui passait près de moi m’ayant dit durement : « Frère diacre, réciteras-tu tout l’office ce matin ? » Je me levai d’un bond, tout pâle, et courus plus vite que les autres en déchargeant mon fusil. Cinq minutes après, il me semblait que je n’avais jamais fait autre chose que tuer et égorger. Arrivés aux maisons, il nous fallut combattre corps à corps avec les janissaires, et il en est tombé plus d’un ce jour-là, je t’assure, sous mon couteau tout sanglant. Après quelques heures de lutte acharnée, les Turcs se retirèrent par le plateau opposé au ravin, et nous restâmes maîtres de Vrachori ; pour peu de jours néanmoins.

Avant que la semaine fût écoulée, une nuit que nous dormions paisiblement chacun chez nos hôtes, je fus éveillé en sursaut par des cris de damnés ; je montai précipitamment sur la terrasse de la maison et j’aperçus des choses lamentables. Tu as vu à la Saint-Jean, quand les paysans brûlent les tas d’herbes sèches, les feux rapprochés courir sur les montagnes comme un troupeau débandé. Eh bien ! cette nuit-là, la plaine était incendiée de feux semblables mais c’étaient les villages qui