Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/95

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les loups turcs. Ah ! je suis las des fourberies humaines ! Où est l’enfant qui chante, qu’il me fasse oublier les hommes ? » Il appela un petit Albanais qui accordait une guzla à l’autre bout de la galerie, et le fit asseoir à ses genoux. Moi, cependant, je m’y précipitai aussi, voulant tenter un effort pour conjurer l’orage qui me menaçait.

« Altesse, ne me jugez pas durement, je ne suis qu’un pauvre clerc, ignorant de ce que font les chefs, et sans mauvaises pensées. »

Le pacha se retourna brusquement : « Tu es clerc, donc médecin ; serais-tu plus habile que ces deux sots ? » ― Et il me montra les deux médecins francs qui se parlaient derrière lui. ―

« Pourrais-tu me guérir d’un mal qui me tourmente depuis ce matin et me remplit la poitrine de feu ? Dans ce cas, tu seras le bienvenu à Janina. »

Il n’y avait plus qu’à payer d’audace, c’était ma seule chance de salut. J’interrogeai longuement le pacha sur son mal et, demandant à me retirer, je revins avec quelques pilules de mie de pain que je lui administrai gravement. Après quoi je passai la nuit à prier Dieu qu’il guérit le terrible malade pour sauver ma tête. Le lendemain matin, Ali me fit appeler ; il était soulagé par la grâce du ciel, gai et plaisant ; il me déclara que j’avais désormais sa confiance et que je ne le quitterais plus un seul jour. Je ne savais si je devais me réjouir ou m’attrister de cette effrayante promesse, je craignais à chaque