Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/96

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instant que ma fraude fût découverte, surtout quand les deux médecins européens vinrent à moi avec méchanceté et me pressèrent de questions. Je pris le parti de leur avouer ma détresse, les suppliant de ne pas me perdre, leur promettant de suivre en tout leurs conseils et de les servir jusqu’au moment où je trouverais l’occasion de m’échapper.

Cette occasion ne devait pas se présenter. Quelques jours après mon arrivée à Janina, les coureurs d’Ismaïl se montrèrent aux portes de la ville et Ali de Tépélen résolut de se retirer dans son château du lac pour y soutenir le siège. C’était une forte citadelle, formée de trois tours qui baignaient dans l’eau à l’extrémité de la presqu’île avancée sur le lac. Une nuit, les Arnautes transportèrent là de grosses caisses de fer qui contenaient les trésors du pacha ; son harem, ses quatre cents femmes et ses fils suivirent ; lui-même enfin, entouré de ses fidèles Albanais, se retira de la ville, qu’il livra aux flammes, et s’enferma dans la forteresse où je dus le suivre. Tu n’attends pas, effendi, que je te raconte l’histoire de ce long siège, chacun la connaît : je veux pourtant te dire comment est mort Ali de Tépélen, car depuis on a fait sur cette mort de faux récits, pris je ne sais où ; moi, qui étais là à ses derniers moments, je sais bien comment les choses se sont passées. Pendant longtemps le vieux vizir ne perdit pas courage ; chaque