Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/97

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jour, quelques-uns des siens le quittaient ; les bombes turques ravageaient la forteresse, incendiaient le harem, et les femmes avaient dû se réfugier dans les souterrains. Lui, il pointait ses canons, sortait à la tête de ses Albanais, et, le soir, il fumait tranquillement son tchibouq dans une casemate en regardant brûler les villages du lac sous le feu de l’artillerie. Cela dura une année, jusqu’au jour où Kurchid, qui avait remplacé Ismaïl, vint débarquer ses soldats au pied du château. Alors les deux fils d’Ali entrèrent chez lui, disant :

« Père, les Turcs sont les maîtres par la volonté d’Allah ! Il faut se rendre et demander l’aman. »

Le vieillard haussa les épaules et ne répondit pas.

« Père, continuèrent-ils, nous te quittons, car tu ne peux plus résister. » Et ils partirent pour aller traiter avec les Turcs, suivis de beaucoup d’autres.

Alors Ali versa silencieusement des larmes sur sa barbe blanche ; il appela par leurs noms les meilleurs de ses Arnautes et se retira dans la dernière tour. Mais à partir de cet instant il sembla que ce fût un autre homme ; sa volonté de fer s’était brisée, il restait immobile ; il ne discutait plus les propositions qu’on lui faisait, comme résigné à la fatalité. Sa seule idée persistante était de garder son trésor : quand Kurchid promit de le laisser libre avec son or, il se prit comme un enfant à la