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Page:Voiture - Lettres, t. 1, éd. Uzanne, 1880.djvu/52

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LETTRES

plainte, ni que l’on dûst faire un jour des pasquins contre moy dans Madrid ; et, sans mentir, j’eusse eu bien de la peine à me consoler de l’un et de l’autre si, au mesme temps que j’ay receu ces nouvelles fascheuses, je n’eusse appris celles de vostre santé et de la grande réputation que vous acquérez tous les jours parmy des hommes qui, devant que de vous avoir veu, ne sçavoient rien admirer qu’eux-mesmes. Mais, puis que je conte toutes vos prosperitez entre les miennes, je croy qu’il ne m’est pas permis d’estre triste en un temps où tout le monde parle si avantageusement de vous ; et je ne me puis empescher que je ne me resjoüisse toutes les fois que j’entens dire icy que vous avez appris aux Espagnols à estre humbles, et qu’ils ne vous honorent pas moins que si vous estiez de la maison des Gusmans ou de celle des Mendosses. Par là, Monseigneur, vous pouvez juger que je n’ay pas l’ame si dure que vous dites, et qu’au moins j’ay cela de commun avec tous les honnestes gens que je prens beaucoup de part à tous les bons succez qui vous arrivent. Il est vray que j’estois résolu de tenir ce sentiment secret, sans vous en rien communiquer : car, dans les grandes affaires que vous traittez maintenant, je croyois que c’eût esté estre perturbateur du repos public que de vous divertir par une mauvaise lettre de la moindre de vos pensées ; et, quelque permission que j’en aurois eue de vous, je n’aurois pas encore esté assez hardy pour m’en servir, si je n’avois une autre avanture extraordinaire à vous