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ANNALES DE L’EMPIRE.

bler son frère, au lieu de le secourir contre les barbares. Il le défait vers Orléans. Les évêques de France ont beau l’excommunier, il veut s’emparer de la France. Des restes des Saxons et d’autres barbares, qui se jettent sur la Germanie, le contraignent de venir défendre ses propres États.

Depuis 858 jusqu’à 865. Louis II, fantôme d’empereur en Italie, ne prend point de part à tous ces troubles, laisse les papes s’affermir, et n’ose résider à Rome.

Charles le Chauve de France et Louis le Germanique font la paix, parce qu’ils ne peuvent se faire la guerre. L’événement de ce temps-là qui est le plus demeuré dans la mémoire des hommes concerne les amours du roi de Lorraine, Lothaire : ce prince voulut imiter Charlemagne, qui répudiait ses femmes et épousait ses maîtresses. Il fait divorce avec sa femme nommée Teutberge, fille d’un seigneur de Bourgogne. Il l’accuse d’adultère. Elle s’avoue coupable. Il épouse sa maîtresse nommée Valrade, qui lui avait été auparavant promise pour femme. Il obtient qu’on assemble un concile à Aix-la-Chapelle, dans lequel on approuve son divorce avec Teutberge[1]. Le décret de ce concile est confirmé dans un autre à Metz, en présence des légats du pape. Le pape Nicolas Ier casse les conciles de Metz et d’Aix-la-Chapelle, et exerce une autorité jusqu’alors inouïe. Il excommunie et dépose quelques évêques, qui ont pris le parti du roi de Lorraine. Et enfin ce roi fut obligé de quitter la femme qu’il aimait, et de reprendre celle qu’il n’aimait pas.

Il est à souhaiter sans doute qu’il y ait un tribunal sacré qui avertisse les souverains de leurs devoirs, et les fasse rougir de leurs violences[2] : mais il paraît que le secret du lit d’un monarque pouvait n’être pas soumis à un évêque étranger, et que les Orientaux ont toujours eu des usages plus conformes à la nature, et plus favorables au repos intérieur des familles, en regardant tous les fruits de l’amour comme légitimes, et en rendant ces amours impénétrables aux yeux du public.

Pendant ce temps les descendants de Charlemagne sont toujours aux prises les uns contre les autres, leurs royaumes toujours attaqués par les barbares.

Le jeune Pepin, arrière-petit-fils de Charlemagne, fils de ce Pepin, roi d’Aquitaine, déposé et mort sans États, ayant quelque temps traîné une vie errante et malheureuse, se joignit aux Nor-

  1. Voyez tome XI, pages 324-325.
  2. Voyez page 242.