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ANNALES DE L’EMPIRE.

rétablissement des austrègues, de la chambre impériale, et du conseil aulique, malgré l’autorité des deux vicaires de l’empire, on voyait tous les jours princes, évêques, barons, donner des combats sanglants pour le moindre procès. Il y avait quelques lois ; mais le pouvoir coactif, qui est la première des lois, manquait à l’Allemagne.

L’électeur palatin porte en Espagne à Charles la nouvelle de son élection. Les grands d’Espagne se disaient alors égaux aux électeurs ; les pairs de France, à plus forte raison ; et les cardinaux prenaient le pas sur eux tous.

L’Espagne craint d’être province de l’empire. Charles est obligé de déclarer l’Espagne indépendante. Il va en Allemagne, mais il passe auparavant en Angleterre pour se lier déjà avec Henri VIII contre François Ier. Il est couronné à Aix-la-Chapelle le 23 octobre 1520.

1520. Au temps de cet avénement de Charles-Quint à l’empire, l’Europe prend insensiblement une face nouvelle. La puissance ottomane s’affermit sur des fondements inébranlables dans Constantinople.

L’empereur, roi des Deux-Siciles et d’Espagne, paraît fait pour opposer une digue aux Turcs. Les Vénitiens craignaient à la fois le sultan et l’empereur.

Le pape Léon X est maître d’un petit État, et sent déjà que la moitié de l’Europe va échapper à son autorité spirituelle. Car dès l’an 1520, depuis le fond du Nord jusqu’à la France, les esprits étaient soulevés, et contre les abus de l’Église romaine, et contre ses lois.

François Ier, roi de France, plus brave chevalier que grand prince[1], avait plutôt l’envie que le pouvoir d’abaisser Charles-Quint. Comment eût-il pu, à armes et à prudence égales, l’emporter sur un empereur roi d’Espagne et de Naples, souverain des Pays-Bas, dont les frontières allaient jusqu’aux portes d’Amiens, et qui commençait à recevoir déjà dans ses ports d’Espagne les trésors d’un nouveau monde ?

Henri VIII, roi d’Angleterre, prétendait d’abord tenir la balance entre Charles-Quint et François Ier. Grand exemple de ce que pouvait le courage anglais, soutenu déjà des richesses du commerce.

On peut observer dans ce tableau de l’Europe que Henri VIII,

  1. Voyez, dans la Correspondance, la lettre à Gaillard, du 28 avril 1769, et tome XII, page 259.