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CHARLES-QUINT.

l’un des principaux personnages, était un des plus grands fléaux qu’ait éprouvés la terre[1] : despotique avec brutalité, furieux dans sa colère, barbare dans ses amours, meurtrier de ses femmes, tyran capricieux dans l’État et dans la religion. Cependant il mourut dans son lit, et Marie Stuart[2], qui n’avait eu qu’une faiblesse criminelle, et Charles Ier[3], qui n’eut à se reprocher que sa bonté, sont morts sur l’échafaud.

Un roi plus méchant encore que Henri VIII, c’est Christiern II[4], naguère réunissant sous son pouvoir le Danemark, la Norvége, et la Suède, monstre toujours souillé de sang, surnommé le Néron du Nord, puni à la fin de tous ses crimes, quoique beau-frère de Charles-Quint, détrôné et mort en prison dans une vieillesse abhorrée et méprisée.

Voilà à peu près les principaux princes chrétiens qui figuraient en Europe quand Charles-Quint prit les rênes de l’empire.

L’Italie fut plus brillante alors par les beaux-arts qu’elle ne l’a jamais été ; mais jamais on ne la vit plus loin du grand but que s’était proposé Jules II, di cacciare i barbari d’Italia.

Les puissances de l’Europe étaient presque toujours en guerre ; mais, heureusement pour les peuples, les petites armées qu’on levait pour un temps retournaient ensuite cultiver les campagnes ; et au milieu des guerres les plus acharnées, il n’y avait pas dans l’Europe la cinquième partie des soldats qu’on voit aujourd’hui dans la plus profonde paix. On ne connaissait point cet effort continuel et funeste qui consume toute la substance d’un gouvernement dans l’entretien de ces armées nombreuses toujours subsistantes, qui, en temps de paix, ne peuvent être employées que contre les peuples, et qui un jour pourront être funestes à leurs maîtres.

La gendarmerie faisait toujours la principale force des armées chrétiennes : les fantassins étaient méprisés ; c’est pourquoi les Allemands les appelaient Lands-Knechte[5], valets de terre. La milice des janissaires était la seule infanterie redoutable.

Les rois de France se servaient presque toujours d’une infanterie étrangère ; les Suisses ne faisaient encore usage de leur liberté que pour vendre leur sang, et d’ordinaire celui qui avait le plus de Suisses dans son armée se croyait sûr de la victoire.

  1. Voyez tome XII, page 311 et suivantes.
  2. Voyez tome XII, page 494 et suivantes.
  3. Voyez page 61 et suivantes du présent volume.
  4. Voyez tome XII, pages 228 et 295.
  5. D’où les Français ont fait le mot lansquenet.