Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome21.djvu/453

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mules allassent au petit pas, Amazan et Formosante eurent le temps de lui conter leurs aventures. Il entretint aussi le phénix ; il l’admira et le baisa cent fois. Il comprit combien les peuples d’Occident, qui mangeaient les animaux, et qui n’entendaient plus leur langage, étaient ignorants, brutaux et barbares ; que les seuls Gangarides avaient conservé la nature et la dignité primitive de l’homme ; mais il convenait surtout que les plus barbares des mortels étaient ces rechercheurs anthropokaies, dont Amazan venait de purger le monde. Il ne cessait de le bénir et de le remercier. La belle Formosante oubliait déjà l’aventure de la fille d’affaire, et n’avait l’âme remplie que de la valeur du héros qui lui avait sauvé la vie. Amazan, instruit de l’innocence du baiser donné au roi d’Égypte, et de la résurrection du phénix, goûtait une joie pure, et était enivré du plus violent amour.


CHAPITRE XXII.

LES DEUX AMANTS PRENNENT LE PARTI DE RETOURNER À BABYLONE. LE ROI DE LA BÉTIQUE LEUR DONNE DES TROUPES POUR LES ACCOMPAGNER. ILS ARRIVENT À TYR, ET PASSENT EN ÉGYPTE. LE ROI D’ÉTHIOPIE LEUR DONNE DES FÊTES, ET DEVIENT AMOUREUX DE FORMOSANTE. AMAZAN PUNIT CE SOUVERAIN, ET ÉPOUSE FORMOSANTE À BABYLONE.


On dîna au palais, et on y fit assez mauvaise chère. Les cuisiniers de la Bétique étaient les plus mauvais de l’Europe ; Amazan conseilla d’en faire venir des Gaules. Les musiciens du roi exécutèrent pendant le repas cet air célèbre qu’on appela dans la suite des siècles les Folies d’Espagne. Après le repas on parla d’affaires.

Le roi demanda au bel Amazan, à la belle Formosante et au beau phénix, ce qu’ils prétendaient devenir. « Pour moi, dit Amazan, mon intention est de retourner à Babylone, dont je suis l’héritier présomptif, et de demander à mon oncle Bélus ma cousine issue de germaine, l’incomparable Formosante, à moins qu’elle n’aime mieux vivre avec moi chez les Gangarides.

— Mon dessein, dit la princesse, est assurément de ne jamais me séparer de mon cousin issu de germain ; mais je crois qu’il convient que je me rende auprès du roi mon père, d’autant plus qu’il ne m’a donné permission que d’aller en pèlerinage à Bassora, et que j’ai couru le monde.

— Pour moi, dit le phénix, je suivrai partout ces deux tendres et généreux amants.