Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome21.djvu/457

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Chacun sait comment le roi d’Éthiopie devint amoureux de la belle Formosante, et comment il la surprit au lit, lorsqu’un doux sommeil fermait ses longues paupières. On se souvient qu’Amazan, témoin de ce spectacle, crut voir le jour et la nuit couchant ensemble. On n’ignore pas qu’Amazan, indigné de l’affront, tira soudain sa fulminante, qu’il coupa la tête perverse du nègre insolent, et qu’il chassa tous les Éthiopiens d’Égypte. Ces prodiges ne sont-ils pas écrits dans le livre des chroniques d’Égypte ? La renommée a publié de ses cent bouches les victoires qu’il remporta sur les trois rois avec ses guerriers de la Bétique, ses Vascons et ses licornes. Il rendit la belle Formosante à son père ; il délivra toute la suite de sa maîtresse, que le roi d’Égypte avait réduite en esclavage. Le grand kan des Scythes se déclara son vassal, et son mariage avec la princesse Aldée fut confirmé. L’invincible et généreux Amazan, reconnu pour héritier du royaume de Babylone, entra dans la ville en triomphe avec le phénix, en présence de cent rois tributaires. La fête de son mariage surpassa en tout celle que le roi Bélus avait donnée. On servit à table le bœuf Apis rôti. Le roi d’Égypte et celui des Indes donnèrent à boire aux deux époux, et ces noces furent célébrées par cinq cents grands poëtes de Babylone[1].


Ô muses ! qu’on invoque toujours au commencement de son ouvrage, je ne vous implore qu’à la fin. C’est en vain qu’on me reproche de dire grâces sans avoir dit benedicite. Muses ! vous n’en serez pas moins mes protectrices. Empêchez que des continuateurs[2] téméraires ne gâtent par leurs fables les vérités que j’ai enseignées aux mortels dans ce fidèle récit, ainsi qu’ils ont osé falsifier Candide, l’Ingénu, et les chastes aventures de la chaste Jeanne, qu’un ex-capucin a défigurées par des vers dignes des capucins, dans des éditions bataves. Qu’ils ne fassent pas ce tort à mon typographe, chargé d’une nombreuse famille, et qui possède à peine de quoi avoir des caractères, du papier et de l’encre.

Ô muses ! imposez silence au détestable Cogé[3], professeur de bavarderie au collège Mazarin, qui n’a pas été content des discours moraux de Bélisaire et de l’empereur Justinien, et qui a écrit de vilains libelles diffamatoires contre ces deux grands hommes.

  1. L’édition de 1768 avec sommaires se termine ici.
  2. Il existe une continuation de Candide. Je n’en connais point de l’Ingénu. (B.) — Voyez l’Avertissement de Beuchot, en tête de ce volume.
  3. Voyez la note 2 de la page 357.