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CORRESPONDANCE





1[1]. — À M. FYOT DE LA MARCHE[2].

À Paris, ce 8 may.[3]

Monsieur, ma lettre va augmenter le nombre de celles que vous recevez de ce pays cy, chacun s’y dispute et l’honneur d’avoir perdu le plus en vous perdant et l’avantage d’être le premier à vous écrire ; je ne me suis rendu que sur le dernier article, et je n’ay peu vous écrire qu’aujourdhuy parce que je reviens actuellement de la campagne. Je ne vous diray point combien votre éloignement m’afflige ; si une petite absence d’un jour ou deux vous a peu faire dire

Bien tristement j’ay passé ma journée,


je puis à présent vous dire avec plus de raison

Bien tristement je passe mon année....


Je finirois en vers, mais le chagrin n’est point un Apollon pour moy, et j’aime autant dire la vérité en prose. Je vous asseure sans fiction que je m’aperçois bien que vous n’êtes plus icy : toutes les fois que je regarde par la fenestre, je voi votre chambre vuide ; je ne vous entends plus rire en classe ; je vous trouve de manque partout, et il ne reste plus que le plaisir de vous écrire, et de m’entretenir de vous avec le père Polou[4] et vos autres amis.

  1. Publiée par M. H. Beaune dans Voltaire au collége. Paris, Amyot, 1867.
  2. Né à Dijon le 12 août 1694, fils d’un président à mortier du parlement de Bourgogne, Claude-Philippe Fyot, marquis de La Marche, comte de Bosjan, baron de Montpont, avait été condisciple du jeune Arouet au collége de Louis-le-Grand.
  3. 1711.
  4. Le P. Polou ou plutôt Paullou, jésuite, professa la rhétorique au collége Louis-le-Grand jusqu’en 1711, époque à laquelle ses supérieurs l’envoyèrent à Rennes pour y tenir la même classe. C’était un homme érudit et fort versé dans la connaissance des langues orientales. On a de lui un opuscule intitulé Réponse du P. Paullou, recteur du collége de Caen, à M***, sur un article des Nouvelles ecclésiastiques du 11 mai 1737. In-4°, 15 pages ; voyez la bibliographie des PP. de Baecker. (H. B.)