Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/316

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tenir tranquille. Si les maux qui m’accablent, et la situation de mon esprit, pouvaient me laisser encore une étincelle de génie, j’emploierais mon loisir à faire une tragédie qui pût vous plaire ; mais je regarde comme un premier devoir de me laver de l’opprobre de cette prétendue Histoire universselle, et de rendre mon véritable ouvrage digne de vous et du public. Je suis la victime de l’infidélité et de la supposition la plus condamnable. Je tâcherai de tirer de ce malheur l’avantage de donner un bon livre qui sera utile et curieux. Je réponds assez des choses dont je suis le maître, mais je ne réponds pas de ce qui dépend du caprice et de l’injustice des hommes. Je ne suis sûr de rien que de votre cœur. Comptez, mon cher ange, qu’avec un ami comme vous on n’est point malheureux. Mille tendres respects à Mme d’Argenlal et a tous vos amis.


2835. — À M. DUPONT,
avocat.
À Prangins, par Nyon, pays de Vaud. 20 décembre.

Vous êtes aussi essentiel qu’aimable, mon cher ami ; je vous parlerai d’affaires aujourd’hui. J’ai laissé cinq caisses entre les mains de Turckeim de Colmar, frère de Turckeim de Strasbourg. Je lui ai mandé, il y a un mois, de les faire partir, et je n’ai point eu de ses nouvelles. C’est l’affaire des messagers, me dira-t-on ; ce n’est pas celle d’un avocat éloquent et philosophe : j’en conviens, mais ce sera celle d’un ami. Je vous demande en grâce de parler ou de faire parler à ce Turckeim. Ces caisses contiennent les livres et les habits de Mme Denis et les miens, et nous ne pouvons nous passer ni d’habits ni de livres. Nous sommes venus passer l’hiver dans un beau château, où il n’y a rien de tout cela, et nous comptions trouver nos caisses à notre arrivée. J’ai donné au sieur Turckeim les instructions nécessaires ; je n’ai pas même oublié de lui recommander de payer les droits, en cas qu’on en doive, pour dix-huit livres de café qui sont dans une des caisses. Je l’ai prié de se munir d’une recommandation de M. Hermani pour le bureau qui est près de Bâle. Je n’ai rien négligé, et je n’en suis pas plus avancé. Il semble que mes ballots soient à la Chine, et Turckeim aussi ; mais vous êtes à Colmar, et j’espère en vous. J’ai écrit deux fois, en dernier lieu, à ce Turckeim, par Mme Goll ; mais, pendant ce temps-là, elle était occupée du départ de son cher mari pour l’autre monde,