Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/317

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et elle aura pu fort bien oublier de faire rendre mes lettres. Je m’imagine qu’elle ira pleurer son cher Goll à Lausanne, et que Mme de Klinglin n’aura plus de rviale à Colmar.

Je n’ai point encore vu M. de Brenles ; mais il viendra bientôt, je crois, nous voir dans notre belle retraite. Nous nous entretiendrons de vous et du révérend Père Kroust[1], pour peu que M. de Brenles aime les contrastes. Je resterai ici jusqu’à la saison des eaux. Je n’ai pas trouvé dans le pays de Vaud le brillant et le fracas de Lyon, mais j’y ai trouvé les mêmes bontés. Les deux seigneurs de la régence de Berne m’ont fait tout deux l’honneur de m’écrire, et de m’assurer de la bienveillance du gouvernement. Il ne me manque que mes caisses. Permettez donc que je vous envoie le billet de dépôt dudit Turckeim ; le voici. Je lui écris encore. Je me recommande à vos bontés.

Notez bien qu’il doit envoyer ces cinq caisses par Bâle, à M. de Ribaupierre, avocat à Nyon, pays de Vaud. J’aimerais mieux vous parler de Cicéron et de Virgile, mais les caisses l’emportent. Adieu : je vous demande pardon, et je vous embrasse. V.


2836. — DE COLINI À M. DUPONT[2].
Au château de de Prangins, 26 décembre 1754.

Ne croyez pas, monsieur, que j’attende un bout de l’an et le commencement du nouveau pour donner des assurances de ma reconnaissance à ceux qui m’honorent de leurs bontés, et pour faire, comme on dit, les vœux les plus ardents pour la conservation de leur santé. Ces sortes de lettres ne font plus aucun effet : on sait qu’elles sont asservies à un usage incommode, et les personnes occupées envoient ces faiseurs de vœux à tous les diables. Je m’intéresse en tout temps à votre santé, et c’est pour vous demander la continuation de votre amitié que je vous écris : je serais au désespoir si je vous croyais indifférent à l’empressement que j’ai de la mériter.

Nous voilà donc à Prangins. Qui l’aurait cru, qu’on quitterait le confluent du Rhône et de la Saône pour venir passer l’hiver dans un grand château sur le bord du lac Léman ? Mais auriez-vous cru qu’on quitterait l’Alsace deux jours après avoir fait de grandes recherches pour trouver à Colmar une maison à acheter ? Avouez que vous y avez été pris vous-même, et qu’il ne faut plus s’étonner de rien. Que faisons-nous donc à ce château ? 1o on s’ennuie un peu ; 2o on est de mauvaise humeur plus qu’à l’ordinaire ; 3o On fait beaucoup d’histoire ; 4o on mange fort peu, comme de coutume.

  1. Celui de Colmar, dont il est question tome XIX, page 500 ; XXI, 167 ; XXIV, 105.
  2. Lettres inédites de Voltaire, etc., 1821.