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si occupé des préparatifs de mon bonheur, que je n’ai pas eu un instant dont je pusse disposer. J’attends avec impatience le moment où je pourrai être votre diocésain ; si je ne peux vous entendre à l’église, je vous entendrai à table, Nous parlerons, à mon retour, de la proposition que vous avez eu la bonté de me faire sur Bottens. Oserais-je vous prier, monsieur, de m’honorer de vos bontés auprès de Mlle de Bressonaz, de lui présenter mes respects, et de lui dire combien je m’intéresse à tout ce qui la touche ? Je fis un effort, en partant, pour grimper au château de votre bailli ; de là il fallut aller à Prélaz, essayer de conclure un marché pour Mme de Bentinck. Elle est digne d’être votre diocésaine, et je vous réponds qu’elle vous donnera la préférence sur le célèbre Saurin[1], de la Haye.

Adieu, monsieur ; si je ne crois pas absolument en Calvin, je crois on vous, et je vous suis attaché pour toute ma vie.

C’est de tout mon cœur, V.


2890. — DE LOUIS-EUGÈNE,
prince de wurtemberg[2].
À Paris, le 28 Février.

Nous sommes deux à vous écrire cette lettre : l’un est un abbé qui écrit sur la musique, non pas en musicien, mais en philosophe, grand admirateur de M. de Voltaire, et qui réunit l’âme de Socrate et l’esprit de Pythagore ; et l’autre, enfin, est un jeune Suève que vous avez grondé quelquefois, et qui n’a d’autre mérite que celui d’aimer beaucoup vous et la vérité, et un peu la gloire. Notre lettre sera remplie de questions. Nous voulons jouir de cet esprit philosophique qui voit, qui comprend, qui saisit, qui éclaire tous les sujets sur lesquels il se répand.

D’abord ce même abbé, qui peut dire la messe et qui ne la dit pas, qui adore vos ouvrages, quoiqu’ils renversent des préjugés, qui ne va point à vos tragédies, parce que les trop grandes émanations l’incommodent, voudrait savoir de vous, monsieur (vous voyez bien que je ne fais qu’écrire ce que l’on me dicte, car j’aurais dit : Mon cher maître), si M. de Montesquieu, qui avait de la probité, ne renvoyait point en secret à nombre d’auteurs, qui assurément ne vous sont pas inconnus, une bonne partie de l’estime que le public lui a accordée.

  1. Élie Saurin, mort en 1703, oncle de l’auteur de Spartacus.
  2. Le prince de Wurtemberg, dont les lettres sont signées tantôt Louis et tantôt Louis-Eugène, est le même personnage ; mais nos prédécesseurs en ont fait deux. Louis-Eugène, né le 5 janvier 1731, ne succéda qu’en 1793 à son frère Charles-Eugène, cité par Voltaire, dans la lettre 2646, comme n’ayant pas voulu baiser la mule du pape. (Cl.)