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2904. — À M. SENAC DE MEILHAN[1].
Aux Délices, 5 avril.

Je n’ai guère reçu, monsieur, en ma vie, ni de lettres plus agréables que celle dont vous m’avez honoré, ni de plus jolis vers que les vôtres. Je ne suis point séduit par les louanges que vous me donnez, je ne juge de vos vers que par eux-mêmes. Ils sont faciles, pleins d’images et d’harmonie ; et ce qu’il y a encore de bon, c’est que vous y joignez des plaisanteries du meilleur ton. Je vous assure qu’à votre âge je n’aurais point lait de pareilles lettres.

Si monsieur votre père est le favori d’Esculape, vous l’êtes d’Apollon. C’est une famille pour qui je me suis toujours senti un profond respect, en qualité de poëte et de malade. Ma mauvaise santé, qui me prive de l’honneur de vous écrire de ma main, m’ôte aussi la consolation de vous répondre dans votre langue.

Permettez-moi de vous dire que vous faites si bien des vers que je crains que vous ne vous attachiez trop au métier ; il est séduisant, et il empêche quelquefois de s’appliquer à des choses plus utiles. Si vous continuez, je vous dirai bientôt par jalousie ce que je vous dis à présent par l’intérêt que vous m’inspirez pour vous.

Vous me parlez, monsieur, de faire un petit voyage sur les bords de mon lac ; je vous en défie, et, si jamais vous allez dans le pays que j’habite, je me ferai un plaisir de vous marquer tous les sentiments que j’ai depuis longtemps pour monsieur votre père, et tous ceux que je commence à avoir pour son fils. Comptez, monsieur, que c’est avec un cœur pénétré de reconnaissance et d’estime que j’ai l’honneur d’être, etc.


2905. — À M. DUPONT,
avocat.
Aux Délices, près de Genève, 9 avril.

Vous avez rendez-vous, mon cher ami, avec M. de Paulmy, au mois de juillet, à Strasbourg ; je vous enverrai une lettre pour

  1. Gabriel Senac de Meilhan, né à Paris en 1736, fils du premier médecin de Louis XV. Il devint intendant d’Aunis en 1766. Il est mort à Vienne en Autriche, en 1803.