Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/377

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lui, si je suis en vie. La meilleure manière de réussir est de vous montrer et de parler. Je vous écris au milieu de cent ouvriers qui me rompent la tête, et au milieu des maladies qui m’accablent toujours. Vous n’aurez pas de moi une longue lettre, mais une longue amitié. Vous pouvez me mettre à l’épreuve tant que mon cœur, qui est à vous, battra encore chez moi. Nous faisons mille tendres compliments, Mme Denis et moi, à Mme dupont. Ne nous oubliez pas auprès de M. et de Mme de Klinglin, et de monsieur leur fils. Bonsoir ; je vous embrasse de tout mon cœur. V.


2906. — À M. LEKAIN.
Aux Délices, près de Genève, 14 avril 1754.

M. le duc de Richelieu, tout malade qu’il est, n’a point perdu de temps, mon cher et grand acteur. Il a écrit à M. de RocheBaron, et vous avez la permission de vous faire admirer à Lyon tant qu’il vous plaira. Vous devez avoir reçu cette permission, dont vous doutiez ; nous vous en faisons notre compliment, Mme Denis et moi. Vous recevrez peut-être ce petit billet à Paris. Aimez-nous dans quelque pays qu’on vous admire. Je vous embrasse tendrement. V.


2907. — DE M. DUPONT[1].
Colmar, 15 avril 1755.

Vous m’écrivez des Délices. Que celle terre est bien nommée : vous y habitez. Lorsque vous étiez à Colmar, j’aurais pu dater de même. Tandis que vous élevez des murs sur un terrain étranger, je vous élève des autels dans mon cœur. J’envie le sort de vos ouvriers. Ils vous voient, ils vous entendent ; que ne suis-je au milieu d’eux ! Hélas ! le destin ne le veut pas, il faut bien s’y soumettre, malgré qu’on enrage. On a cela de commun avec Jupiter.

Vos infirmités me désespèrent. Faut-il donc que la santé imite la fortune, et qu’elle ne se donne qu’à des gens qui en font mauvais usage ? Encore la fortune est-elle plus judicieuse, du moins vous a-t-elle bien traité à quelques égards. Mais pour la santé, elle vous a toujours été cruelle. L’espèce de gens qu’elle traite bien dégoûte de ses faveurs. Heureusement vous avez su vous en passer ; persistez dans votre mépris, puisqu’elle persiste dans son oubli ; continuez à faire votre corps tous les matins, et votre exemple apprendra aux hommes l’art de digérer sans estomac, le secret

  1. Lettres inédites de Voltaire, de Mme Denis, et de Colini, etc. ; Paris, P. Mongie, 1821.