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est l’affaire à présent, sans fouiller et sans dépaqueter le ballot en question, sans renoyer la croix et la clef, et sans innover la moindre chose, jusqu’à la première poste qui arrivera jeudi qui vient. J’espère que les ordres de cette nature sont les suites de mon rapport du 5 de ce mois, dans lequel je ne pouvais pas assez louer et admirer votre résignation à la volonté du roi, votre obéissance de rester dans la maison où vous êtes malgré votre infirmité, et vos contestations sincères de votre fidélité envers Sa Majesté. Si je mérite avec tout cela, monsieur, votre amitié et votre bienveillance, je serai charmé de pouvoir me nommer votre très-humble, etc.


2582. — DE MADAME DENIS À L’ABBÉ DE PRADES[1].
De Francfort-sur-le-Mein, ce 18 juin.

Vous savez sans doute, monsieur, qu’au seul nom du roi votre maître, mon oncle a montré toute la résignation, toute la soumission possible ; vous savez qu’il a fait plus que l’on exigeait de lui, et qu’il a fait adresser à M. Freytag, résident de Prusse, une grande caisse contenant des hardes, des papiers et des livres, voulant que M. Freytag l’ouvrît lui-même quand elle arriverait. Il a montré avec la même bonne foi à M. Freytag tout ce qui était dans les malles et les cassettes qu’il transportait avec son équipage et dans un grand portefeuille qui ferme. Il s’est soumis à rester en prison jusqu’au moment où le livre des poésies de Sa Majesté fût revenu. Le livre est arrivé, monsieur, il est dans la caisse que M. Freytag a entre les mains, on ne veut pas l’ouvrir, et on l’empêcbe de partir. Mon oncle est prisonnier dans sa chambre avec les jambes et les mains enflées, et il a encore donné pour sûreté de ce livre de poésie, qui est arrivé, deux liasses de ses propres papiers cachetées, que M. Freytag a reçues en dépôt, et M. Freytag lui a fait deux billets conçus en ces termes :

Monsieur, aussitôt le grand ballot que vous dites d’être à Hambourg ou Leipsick sera arrive et l’œuvre de poésies rendu à moi, que le roi redemande, vous pourrez partir où bon vous semblera.

Freytag.

J’ai reçu de M. de Voltaire deux paquets d’écritures cachetés de ses armes, et que je lui rendrai après avoir reçu la grande caisse où se trouve l’œuvre de poésies que le roi demande.

Freytag.

M. de Voltaire a satisfait à tous ses engagements, et cependant on le retient encore prisonnier. On ne lui rend ni sa caisse, ni ces deux paquets, ni sa liberté, que M. de Freytag lui avait promise au nom du roi en présence de M. Rücker, avocat. Je ne sais, monsieur, si Sa Majesté redemande à présent le contrat annulé dont milord Maréchal m’a parlé à Paris ; il est encore

  1. Éditeur, Varnhagen von Ense.