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CORRESPONDANCE

Si M. Melchiori voulait me venir voir avant que je meure, et passer quelque temps avec moi, je lui demanderais la permission de le rembourser de son voyage, et j’espère que je pourrais lui être utile. Si, à son défaut, vous pouviez m’envoyer quelque pauvre philosophe, il serait très-bien reçu ; mais il faudrait un vrai philosophe.

Le vieux philosophe des Alpes vous aimera, monsieur, jusqu’à son dernier moment.

P. S. Le portrait est dans une petite caisse couverte de toile cirée, à votre adresse.

7200. — À M. LE CHEVALIER DE TAULÈS.
4 mars.

Les trois quarts de la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV sont imprimés, monsieur ; et à moins que vous n’ayez quelques anecdotes sur le jansénisme, il ne m’est plus possible de vous en demander sur les affaires politiques. Je sais bien qu’il y a eu quelque politique dans les querelles des jansénistes et des molinistes ; mais en vérité elle est trop méprisable ; et c’est rendre service au genre humain que de donner à ces dangereuses fadaises le ridicule qu’elles méritent.

Quant au Testament attribué au cardinal de Richelieu, vous pouvez, je crois, m’instruire avec liberté de tout ce que vous en savez, et en demander la permission à M. le duc de Choiseul, en lui montrant ma lettre. Mme la duchesse d’Aiguillon a fait chercher au dépôt des affaires étrangères tout ce qu’elle a cru favorable à son opinion. Si vous avez quelques lumières nouvelles, je me rétracterai publiquement, et je dirai que le cardinal de Richelieu a fait en politique un ouvrage aussi ridicule et aussi mauvais en tout point qu’il en a fait en théologie. Mais jusque-là je croirai qu’il est aussi faux que ce ministre en soit l’auteur, qu’il est faux que celui qui ôte un moucheron de son verre puisse avaler un chameau[1].

La Narration succincte, très-mal composée par l’abbé de Bourzeys sous les yeux du cardinal de Richelieu, n’a rien de commun avec le Testament. Elle démontre au contraire que le Testament est supposé : car, puisque cette narration récapitule assez mal ce qu’on avait fait sous le ministère du cardinal, le Testament devait

  1. Saint Matthieu, chapitre xxiii, verset 24.