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CORRESPONDANCE

mouillée. Que peut-il craindre ? est-ce qu’il n’entend pas les cris de l’Europe ? est-ce qu’il ne sait pas que cent millions de voix s’élèveront en sa faveur ?

Avez-vous vu la Riforma d’Italia[1], mes divins anges ? Les livres français sont tous circonspects et honnêtes en comparaison. Quand l’auteur parle des moines, il ne les appelle jamais que canailles. Enfin tous les yeux sont éclairés, toutes les langues déliées, toutes les plumes taillées en faveur de la raison.

Damilaville était le plus intrépide soutien de cette raison persécutée ; c’était une âme d’airain, et aussi tendre que ferme pour ses amis. J’ai fait une cruelle perte, et je la sens jusqu’au fond de mon cœur. Faut-il qu’un tel homme périsse, et que Fréron vive !

Vivez longtemps, mon cher ange. Vous devez, s’il m’en souvient, n’avoir que soixante-sept ans : j’étais bien votre aîné, et je le suis encore. Je vous aimerai jusqu’à ce que ma drôle de vie finisse.

Cependant que penseriez-vous si, au premier acte[2], Iradan parlait ainsi à ces coquins de prêtres :

Nous sommes ses soldats, j’obéis à mon maître ;
Il peut tout.

LE GRAND PRÊTRE.

Les pontifesOui, sur vous.

IRADAN.

Les pontifes Oui, sur vous Sur vous aussi peut-être.
Les pontifes divins, des peuples respectés,
Condamnent tous l’orgueil, et plus, les cruautés.
Jamais le sang humain ne coula dans leurs temples.
Ils font des vœux pour nous, imitez leurs exemples.
Tant qu’en ces lieux surtout je pourrai commander,
N’espérez pas me nuire et me déposséder
Des droits que Rome attache aux tribuns militaires.

<dicp>(Scène iii.)

Que peut-on dire de plus honnête et même de plus fort en faveur des prêtres ? Cela ne prévient-il pas toutes les allusions, et, s’il faut qu’on en fasse, ces allusions ne sont-elles pas alors favorables ?

  1. Voyez la note, page 134.
  2. Scène iii des Guèbres ; voyez tome VI, pages 523 et 524.