Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

194 IJ- : TIUUAIVIIIAT.

À NT 01 m :. Octave, je sais trop (|iie notre intelligence Produira la discorde e ! trompera nos vœux. Ne précipitons poiiil des temps si dangereux. Voulez-vous ni’oU’enser ?

OCTAVE.

Non : mais je suis le maître D’épargner un proscrit qui ne devait pas l’être,

ANTOINE.

Mais vous-même avec moi vous l’aviez condamné : De tous nos ennemis c’est le plus obstiné. Qu’importe si sa fille un moment vous fut chère ? A notre sûreté je dois le sang du père. Les plaisirs inconstants d’un amour passager A nos grands intérêts n’ont rien que d’étranger. Vous avez jusqu’ici peu connu la tendresse-, Et je n’attendais pas cet excès de faiblesse.

OCTAVE.

De faiblesse !… Et c’est vous qui m’useriez blâmer ? C’est Antoine aujourd’hui qui me défend d’aimer ?

ANTOINE,

Nous avons tous les deux mêlé dans les alarmes Les fêtes, les plaisirs à la fureur des armes : César en fit autant ^ ; mais par la volupté Le cours de ses exploits ne fut point arrêté. Je le vis dans l’Égypte, amoureux et sévère, Adorer Cléopàtre en immolant son frère.

OCTAVE,

Ce fut pour la servir. Je puis vous voir un jour

1, Cela est incontestable, et je crois qu’on peut remarquer que presque tous les chefs de parti, dans les guerres civiles, ont été des voluptueux, si l’on en excepte peut-être quelques guerres fanatiques, comme celle dans laquelle Croinwell se signala. Les ciiefs de la Fronde, ceux de la Ligue, ceux des maisons de BoiirKOj ; ne et d’Orléans^ ceux de la Rose blanche, et ceux de la Rose rouge, s’abandonneront aux plaisirs au milieu des horreurs delà guerre. Ils insultèrent toujours aux misèrrs puljliquos, en se livrant à la plus énorme licence, et les rapines les plus odieuses servirent toujours à payer leurs plaisirs. On en voit de grands exemples dans les Mémoires du cardinal de Retz. Lui-même s’abandonnait quelquefois à la plus basse débauche, et bravait les mœurs en donnant des bénédictions. Le duc de Borgia, fils du pape Alexandre VI, en usait ainsi dans le temps qu’il assassinait tous les seigneurs de la Komagne, et le peuple stul)ide osait à peine murmurer. Tout cela n’est pas étonnant : la guerre civile est le théâtre de la licence, et les mœurs y sont immolées avec les citoyens. [Note de Voltaire.)