Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/435

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J’eus longtemps pour l’hymen un peu de répugnance :
Son joug effarouchait ma libre indépendance :
C’est un frein respectable ; et, si je l’avais pris,
Croyez que ses devoirs auraient été remplis.
Je fus dans ma jeunesse un tant soit peu légère ;
Je n’avais pas alors le bonheur de vous plaire.

MONSIEUR GARANT.

Madame, croyez-moi, tout ce qui s’est passé
Fait peu d’impression sur un esprit sensé ;
Ces bagatelles-là n’ont rien qui m’intimide :
Je vais droit à mon but, et je pense au solide.

NINON.

Eh bien ! j’y pense aussi : vos offres à mes yeux
Présentent des objets qui sont bien spécieux.
Il est vrai qu’ou pourrait m’imputer par envie
Je ne sais quoi d’injuste, et quelque hypocrisie.

MONSIEUR GARANT.

Eh, mon Dieu ! c’est par là qu’on réussit toujours.

NINON.

Oui ; la monnaie est fausse, elle a pourtant du cours.
Que me sont, après tout, les enfants de Gourville ?
Rien que des étrangers à qui je fus utile.

MONSIEUR GARANT.

Il faut l’être à nous seuls, et songer en effet
Que pour ces étrangers nous en avons trop fait.

NINON.

J’admire vos raisons, et j’en suis pénétrée.

MONSIEUR GARANT.

Ah ! je me doutais bien que votre âme éclairée
En sentirait la force et le vrai fondement,
Le poids…

NINON.

Oui, tout cela me pèse infiniment.

MONSIEUR GARANT.

Vous vous rendez ?

NINON.

Ce soir vous aurez ma réponse ;
Et devant tout le monde il faut que je l’annonce.

MONSIEUR GARANT.

Ah ! vous me ravissez je n’ai parlé d’abord
Que de vos intérêts qui me touchent si fort ;
Mais si vous connaissiez quel effet font vos charmes,